Site Meter Le Blog à Madame: décembre 2007

lundi, décembre 03, 2007

Le millefeuille

Ce jour-là, j'avais été te voir à l'hôpital. Juste avant, nous étions passés, Alain et moi, à la meilleure pâtisserie de Quimperlé, acheter ton gâteau préféré: le millefeuille.
Le millefeuille, tu me l'avais fait découvrir toute petite. "Tu vois, c'est le gâteau des gourmandes", "gros et bon". J'ai toujours connu le sucre sur le millefeuille, ou bien le glaçage qui se fondait avec la crème patissière, le craquant des couches de pâte, et toi, ton sourire, ta gourmandise, ce gâteau des dimanches, des jours de fêtes.
45 ans de complicités. 45 ans d'amour inconditionnel de ta part. Je dis bien "inconditionnel". Cet amour qui porte, qui conforte et réconforte, ta présence, là, proche, tes bras pour pleurer, tes rires pour se relever. Ta philosophie de la vie, dite mot à mot, sans fleurs ni décorations, juste dite.
45 ans à tes côtés.
Et puis ce millefeuille. Acheté un dimanche.
Nous sommes allés à l'hôpital. Tu étais minuscule dans ton lit, soudain rétrécie. Souffrante. Tu as pleuré un peu, tellement de tristesse soudain, tellement de chagrin, et puis tu as souri, vivement, ton petit fils arrivait, fallait lui montrer la joie de le voir.
Le millefeuille posé, dans son emballage de papier, sur la table de nuit.
Ta gourmandise près de ton lit.
Une infirmière est arrivée. Non, tu n'avais pas le droit de manger. Pas le droit. Un important examen devait être fait le lendemain, examen qu'ils avaient loupé la veille.
Alors pas de gâteau. Même ce dimanche-là.
Nous avons laissé le millefeuille là où nous l'avions posé.
Ce millefeuille auquel tu n'avais pas droit.
... Ils n'ont pas fait l'examen. Quelques jours après tu ne pouvais plus manger.
Quelques jours après tu es morte.
Et moi je pense encore à ce millefeuille.